Martin Luther était un moine Augustinien.  Ses 95 thèses sont relativement bien connues puisque c’est le document de référence auquel l’on associe généralement le début de la Réforme protestante (le 31 octobre 1517).  Ses écrits avaient causé beaucoup de remous chez les Augustins en Allemagne.

Il est certes moins répandu que Martin Luther est également l’auteur des 28 autres thèses écrites en avril de l’année suivante.  Il ne faut pas s’y méprendre, celles-ci ne représentent pas une version de moindre importance comparativement à celles qu’il avait écrites précédemment.  Elles sont communément associées à «La controverse d’Heidelberg». On les appelle ainsi  parce que ces 28 thèses ont été exposées lors du litige tenu dans la ville d’Heidelberg le 26 avril 1518.[1]

Johannes Staupitz était le chef de l’ordre des Augustins dans le pays.  Il a eu une influence significative dans la vie de Luther, et c’est sous sa direction, que ce dernier présenta ses 28 thèses dans une série de contrastes.  Il établit foncièrement un contraste entre les œuvres de Dieu et les œuvres de l’homme.  Dans la 28e thèse, Luther expose un contraste entre l’amour de Dieu et l’amour de l’homme. Voici ce qu’il écrit:

« L’amour de Dieu ne trouve pas, mais crée ce qu’il aime. L’amour de l’homme ne naît que de ce qu’il trouve aimable. »

Suivant le débat sur les 28 thèses, en mai 1518 Luther y ajoute les arguments suivants:

« La seconde partie est évidente et on la trouve chez tous les philosophes et les théologiens. Car l’objet est la cause de l’amour, si l’on affirme avec Aristote que toute puissance de l’âme est passive et que c’est en recevant qu’elle agit ; par là déjà, Aristote atteste que sa philosophie est opposée à la théologie, puisqu’elle recherche en toutes choses ce qui lui est propre et reçoit le bien plutôt qu’elle ne le donne.

La première partie de l’affirmation est évidente, car l’amour de Dieu, vivant dans l’homme, aime les pécheurs, les mauvais, les insensés, les faibles, de telle sorte qu’il les rend justes, bons, sages, forts ; ainsi, il répand plutôt et confère le bien. Car, en effet, les pécheurs sont beaux parce qu’ils sont aimés, ils ne sont pas aimés parce qu’ils sont beaux. Au contraire, l’amour de l’homme fuit les pécheurs, les misérables. Ainsi le Christ : « Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs.»  [Mt 9 :13]

Voilà l’amour de la Croix, né de la Croix, qui ne se transporte pas là où il trouve le bien dont il pourrait jouir, mais là où il donne le bien au mauvais et à l’indigent. « Il y a en effet plus de bonheur à donner qu’à recevoir », dit l’apôtre. De là le psaume 41 [v. 2] : « Heureux celui qui a de la compréhension pour le pauvre et l’indigent. » Et pourtant, l’objet de l’intelligence ne peut pas être naturellement ce qui n’est rien, c’est-à-dire le pauvre et l’indigent, mais ce qui a l’être, ce qui est vrai, ce qui est bien.  C’est pourquoi elle juge selon l’apparence, et prête attention au personnage de l’homme, et juge selon les choses que l’on voit bien, etc. »[2]

L’amour de Dieu est créatif; il « donne la vie aux morts et appelle à être ce qui n’existe pas » (Romains 4:17)[3]. Luther met en contraste cet amour à l’amour humain, un amour éveillé par ce qui est attrayant.   Dieu n’aime pas à cause de tout mérite ou de toute dignité de l’individu, mais plutôt il attribue le mérite et la dignité à l’objet de son amour.

« Mais Dieu est riche en compassion. A cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions morts en raison de nos fautes, il nous a rendus à la vie avec Christ (c’est par grâce que vous êtes sauvés), il nous a ressuscités et fait asseoir avec lui dans les lieux célestes, en Jésus-Christ.   Il a fait cela afin de montrer dans les temps à venir l’infinie richesse de sa grâce par la bonté qu’il a manifestée envers nous en Jésus-Christ.

En effet, c’est par la grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi. Et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Ce n’est pas par les œuvres, afin que personne ne puisse se vanter.  En réalité, c’est lui qui nous a faits; nous avons été créés en Jésus-Christ pour des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions. » (Éphésiens 2: 4-10)

[1] Stephen Nichols, The 28 Theses, June 18, 2014 /

http://5minutesinchurchhistory.com/the-28-theses/

[2] LUTHER, Controverse tenue à Heidelberg, mai 1518, thèse 28 dans Martin Luther, Œuvres, vol. 1, éd. Marc Lienhard et Matthieu Arnold, Paris, Gallimard (Bibliothèque de la Pléiade), 1999, p. 185